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L’art d’être parent : leçons de vie d’une mère atteinte de fibrose kystique

FEBRUARY 1, 2017

Fibrose kystique Canada présente le premier d’une série de récits sur la fertilité et l’art d’être parent lorsque l’on est atteint de FK. Si vous souhaitez nous faire part de votre expérience, veuillez envoyer un courriel à tgillespie@cysticfibrosis.ca

Je m’appelle Megan Parker et j’ai 31 ans. Je suis mère, épouse et ergothérapeute (à temps très partiel). J’adore tout ce qui a trait aux montagnes et j’ai une foule de passe-temps. Bref, j’ai une belle vie bien remplie. Pourtant, dissimulé sous la surface, mon corps abîmé révèle ma fibrose kystique et mon diabète associé à la FK.

J’ai rencontré mon mari en janvier 2006 alors que nous étions tous les deux étudiants au baccalauréat; nous avons commencé à nous fréquenter plus tard au cours de l’année. Nous nous sommes mariés en septembre 2008 et deux ans plus tard, nous avons décidé de fonder une famille. Heureusement, grâce au soutien d’une équipe FK dévouée, ma maladie ne m’a pas empêché de réaliser mes rêves de grossesse et de maternité. Il a quand même fallu deux années et demie et sept traitements de fertilité pour que j’aie la chance de devenir enceinte. Nous avons subi la fécondation in vitro et transféré un embryon que nous espérions voir devenir notre enfant. À notre énorme surprise, notre petit embryon s’est divisé en deux. Deux petits garçons, Charlie et Desmond, sont devenus les amours de nos vies lorsqu’ils sont nés à l’automne 2013.

J’aurais été naïve de croire que ma fibrose kystique ne contribuerait pas à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui; j’aurais été tout aussi naïve de penser que ma fibrose kystique n’aurait pas de conséquences sur moi en tant que mère. Cette maladie pénètre si profondément ma vie et celle de toutes les personnes qui m’entourent. Pendant les périodes où je ne vais pas bien, ce qui commence à devenir la norme, les effets de la maladie sont de plus en plus évidents. Même quand je me sens bien, les effets de la FK, bien que plus subtils, restent inévitables.

Je sais que le fait d’avoir une mère atteinte d’une maladie cruelle et impitoyable ne sera pas toujours facile pour mes garçons, mais je nourris l’espoir que leurs expériences les aideront à prendre du recul par rapport à ce qui importe vraiment dans la vie. La fibrose kystique m’a appris beaucoup sur moi et sur la vie. Voici certaines des leçons dont j’aimerais que mes fils se souviennent aussi :

  • Dans un monde où les apparences sont souvent trompeuses, la bienveillance et l’empathie peuvent accomplir beaucoup. Croyez-moi sur parole; je peux avoir l’air impeccable, même les jours où chaque respiration est une lutte, les jours où ma fièvre est élevée et débilitante à cause de mes infections pulmonaires chroniques, ou les jours pendant lesquels tous les défis que je surmonte viennent à bout de ma bonne humeur. Je choisis des vêtements qui cachent les intraveineuses, le peu de temps que je consacre à me coiffer et à me maquiller peut camoufler ma fatigue, et une gestion judicieuse de mon temps peut me permettre de dissimuler le fait que je passe près de trois heures par jour à faire mes traitements. Il existe une foule de raisons pour lesquelles les apparences peuvent être trompeuses et pour lesquelles une personne préfère que tout le monde ne soit pas au courant de ses combats. Faites preuve de compassion, d’empathie et prenez le temps de réaliser que ce qu’une personne dit est peut-être seulement ce qui se trouve à la surface. Traitez tout le monde avec la gentillesse que vous voudriez qu’on vous manifeste pendant vos moments les plus difficiles.

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  • Acceptez vos faiblesses et parlez-en. Parce que nous sommes tous humains, nous vivons tous des pertes, des rêves brisés, des chagrins et des revers. En ce qui me concerne, je vis toujours le deuil de ma santé stable, la prise de conscience que mes objectifs de carrière à long terme ne se réaliseront vraisemblablement jamais, et la perte de ma capacité de prévoir l’avenir sans être forcée de penser aux limites que m’impose ma maladie. Peut-être qu’en étant francs à propos de ce qui nous rend vulnérables, nous pourrons nous comprendre un peu mieux et manifester encore plus de bienveillance, de compassion et d’empathie les uns envers les autres. Vous pourriez être étonnés de l’appui que vous recevrez si vous vous ouvrez aux gens pendant vos moments difficiles. J’ai été complètement ébahie par les manifestations d’amour et de soutien que j’ai reçues quand j’ai parlé ouvertement de l’ampleur des conséquences de la FK sur ma vie. Lorsqu’il a fallu que je cesse temporairement de travailler en raison de mes exacerbations pulmonaires fréquentes, les gens qui nous entourent ont veillé à ce que notre congélateur reste bien rempli et les témoignages d’encouragement se sont multipliés.

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  • Faites preuve de résilience face aux épreuves de la vie. J’espère pouvoir donner un exemple d’humilité, de force et de courage dans mon cheminement à travers les périodes qui me semblent éternelles de déclin de ma santé. Être résilient veut dire accepter que certaines choses sont difficiles et mettent à l’épreuve nos limites physiques, cognitives et émotives, mais qu’elles valent malgré tout notre persévérance et notre ténacité. Je veux que mes garçons comprennent que faire preuve de résilience ne veut pas dire être stoïque et faire semblant que tout va bien alors que l’on vit des combats difficiles. La résilience dépend plutôt de la résolution innovatrice des problèmes, de la présence de bons appuis, ainsi que de l’ouverture et de l’honnêteté envers soi-même et envers les autres. Être résilient veut dire admettre qu’on a besoin de l’appui des autres, de leurs encouragements et de leurs conseils. Si nous parlons de ce qui nous rend vulnérables, nous pourrons nous comprendre un peu mieux et transmettre davantage de gentillesse, de compassion et d’empathie.

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  • Entourez-vous des gens qui vous appuient lorsque vous en avez besoin. Je suis pleinement consciente de l’appui sur lequel je sais que je peux compter pour continuer à aller de l’avant malgré tous mes défis de santé, et j’apprécie ce soutien. Ma lutte serait tellement plus difficile sans l’aide de mon mari, de ma famille et de mes amis. Mon mari me permet sans cesse d’avoir du temps pour prendre mes médicaments. Il se lève tôt avec les garçons toutes les fins de semaine, pour me permettre de rattraper un peu mon sommeil. Il amène les garçons faire l’épicerie chaque semaine et me laisse à la maison pour faire mes traitements. Nous partageons à parts égales les responsabilités familiales et domestiques et il fait bien plus que sa part lorsque je ne me sens pas bien. De plus, il m’écoute quand je suis découragée. Il m’encourage constamment à être le meilleur de moi-même, dans les bons moments comme pendant les périodes difficiles. Mes luttes me paraîtraient insurmontables sans son soutien. Ma famille est aussi une source d’appui constante et indispensable à mon rôle de parent et dans ma vie avec la FK. Les membres de ma famille me rendaient visite pendant mon congé de maternité, pour me permettre d’échanger avec des adultes, pour s’occuper des enfants pendant que j’allais à mes rendez-vous médicaux; ils ont gardé les garçons pendant leur première nuit à l’extérieur de la maison (nuit pendant laquelle mes fils ont eu un cas de la maladie infectieuse pieds-mains-bouche et n’ont pas fermé l’œil…), ils appuient mes besoins affectifs, ils amènent mes enfants me rendre visite à l’hôpital, ils nettoient la maison pour nous, ils se sont installés chez nous pendant que je récupérais d’une chirurgie ou lorsque j’ai été admise à l’hôpital. Mes proches m’ont aidé d’une foule d’autres façons et je ne peux pas imaginer ce que serait ma vie sans l’appui de mon incroyable famille.

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  • Gérez judicieusement votre temps. Je ne peux pas sous-estimer l’importance de la planification, de la gestion du temps et de l’établissement de priorités (je ne ferais pas honneur à ma formation d’ergothérapeute si je ne mentionnais pas ces concepts!). Je cumule plusieurs rôles et responsabilités, le plus important étant de faire tout ce que je peux pour ma maladie, afin de pouvoir être la meilleure mère et la meilleure épouse possible. Je dois donc faire preuve de créativité avec mon temps, surtout en ce qui concerne mes traitements par inhalation et ma physiothérapie thoracique. Je crois dur comme fer qu’on peut toujours faire de la place aux expériences importantes. Nos vies semblent déborder d’engagements et de responsabilités; réserver du temps à la famille est un choix qu’il faut faire. Il faut donner la priorité au temps passé ensemble. Peut-être que la maison ne sera pas aussi propre, que les lits resteront défaits, que les projets prendront plus de temps à réaliser et que les loisirs sont reportés. Il faut aussi prévoir du temps pour soi. Peu importe votre horaire, peu importe les nombreux rôles que vous jouez, vous devez prendre du temps pour vous. Vous ne pouvez pas vous occuper des autres sans vous occuper d’abord de vous. Il faut parfois être égoïste pour pouvoir ensuite se dévouer.

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  • Vieillir est un privilège que beaucoup trop de personnes n’ont pas. Les anniversaires et les étapes de la vie valent la peine d’être célébrés. Il ne faut pas détester ses rides et ses cheveux gris, il faut les admirer. Faites ce que vous pouvez pour prendre soin de votre corps et de votre esprit, soyez à l’écoute de vous-même et prenez votre propre défense. Et ce qui importe plus que tout, dites aux personnes qui vous sont chères à quel point elles sont importantes pour vous. Faites l’effort d’être là pour célébrer les bons moments et faites acte de présence même dans les moments plus difficiles. Les liens importants de votre vie valent un investissement de votre temps et de votre énergie.

Je suis persuadée qu’en poussant encore un peu ma réflexion et mon introspection, je pourrais comprendre bien d’autres leçons de vie importantes. Je n’affectionne pas particulièrement la source de ma réflexion, mais je reconnais que la FK m’a permis d’avoir une perspective de vie différente. Je crois que l’amour de ma famille, l’amour que j’ai envers mon mari et que je reçois de lui et la joie pure et simple d’entendre mes garçons m’appeler « maman » me donnent une appréciation encore plus profonde de ce qui compte vraiment. Mes enfants sont plus importants que tout. J’espère que mes réflexions et leurs expériences leur seront utiles alors qu’ils continuent à grandir, à vivre et à aimer.