Avec son regard pétillant, son doux sourire et sa joie de vivre, Tamy laisse souvent les autres incrédules lorsqu’ils apprennent qu’elle est atteinte de fibrose kystique. Les médecins l’étaient d’autant plus lorsque les tests de dépistage sont revenus positifs, alors qu’elle avait à peine deux ans, car la maladie est extrêmement rare chez les Haïtiens. Pourtant, chaque jour, elle doit suivre une routine très stricte afin de garder la forme.
Nous l’avons rencontrée avec sa mère, Nadia, et l’un de ses grands frères, Andy, afin qu’ils nous parlent de la manière dont la maladie a bouleversé leur vie.
Qu’est-ce que cela vous a fait d’apprendre que Tamy avait la fibrose kystique ?
Nadia : Ça a été un choc, mais en même temps, quand tu apprends une nouvelle comme ça, tu es sur l’adrénaline. Les médecins nous disaient que c’était peu probable à cause de notre origine noire, alors ils ont refait les tests. Tamy avait presque deux ans. Elle présentait des signes, mais les médecins me disaient que je m’inquiétais pour rien. Ouf ! Les émotions reviennent ! (Nadia fait une pause pour rassembler ses pensées.) Personne dans la famille n’avait cette maladie. C’est une maladie connue, mais tant que ça ne te touche pas, ce n’est pas pour toi, c’est pour les autres…
Andy, comment as-tu vécu la découverte de la maladie et son évolution ?
Andy : J’avais 11 ans. Déjà, l’adolescence est une période de changement, d’affirmation, et en plus, on déménageait de Longueuil à Saint-Hilaire. Ça ne faisait pas longtemps qu’on était à Longueuil, je quittais tous mes amis, et j’apprenais en même temps que ma sœur a la fibrose kystique… Je ne connaissais pas ça et j’ai compris que c’est une maladie colossale. Ma sœur, je la connais depuis à peine deux ans, je suis encore en train de l’apprivoiser, et là elle a une maladie mortelle. Ce sont toutes nos vies qui ont changé à ce moment-là, et ça nous est « rentré dedans ».
À l’époque, on était trois enfants à la maison, et c’était Tamy, Tamy, Tamy. Thierry avait 6 ans, et ma mère m’a dit qu’il fallait que je m’occupe beaucoup plus de lui. Thierry et moi nous sommes tenus, parce qu’on savait que c’était grave. Ça change ta personne et tu matures assez vite merci! (Nadia hoche la tête, approuvant les dires de son aîné.)
Tamy, décris-moi ton quotidien avec les traitements.
Tamy : Je me lève, et quand je déjeune, je prends des enzymes qui font que je digère ce que je ne digérerais pas en temps normal. Ensuite, je dois mettre une solution saline et de la cortisone dans mon nez 2 fois par jour, car j'ai des polypes. Je fais de la physiothérapie respiratoire avec une pompe qui permet de drainer le mucus qui bloque mes bronches pour éviter les infections pulmonaires. Quand j’ai trop de sécrétions dans les poumons, j’ai de la difficulté à respirer et je tousse beaucoup. Par la suite, je prends mon antibiotique à l'aide d'une pompe inhalatrice que je fais matin et soir. Ensuite, je fais mes exercices ; c’est bon pour mes muscles et mes articulations, car je fais de l’arthrite reliée à la FK. Je prends des enzymes digestives, des vitamines, des antioxydants et des antiacides quand je mange. Je bois aussi des shakes chaque matin, dans lesquels je mets des protéines, des fibres et des laxatifs.
En même temps, tu es une jeune fille pleine de pep
Tamy : Oui, la FK fait partie de moi, mais des fois, je l’oublie. C’est quelque chose que je vis en permanence. Quand je me lève pour aller à l’école, je me sens comme une personne qui n’aurait pas de maladie. Je fais autant de choses que les autres, je vais dans des partys. (Tamy rit.) Sauf que, des fois, je suis restreinte. Dans le sport, je ne peux pas tout faire, j’ai plus de difficulté à respirer et le cardio est difficile pour moi.
Si tu avais à livrer un message aux personnes qui ne connaissent pas la maladie pour les aider à comprendre, quel serait-il ?
Tamy : Il faut comprendre que ce n’est pas quelque chose qui paraît. Souvent, on ne me croit pas. Les gens minimisent la FK, ils pensent que c’est seulement des problèmes de poumons, mais ça va au-delà de ça. Je dois manger plus que les autres et avoir une alimentation plus riche en protéines et en calories pour compenser mes carences. Je dois aussi être vigilante face aux bactéries comme ne pas boire l'eau du robinet, ne pas utiliser le spa qui pourtant fait du bien pour mon arthrite. J’ai des traitements à faire chaque jour, des rendez-vous à l’hôpital...
Que veux-tu dire par « minimiser » ?
Tamy : Par exemple, si on court et que je m’arrête parce que j’ai mal au cœur et que j’ai envie de vomir, pour certains, ce n’est pas à cause de la FK, mais parce que je ne m’entraîne pas assez. Aussi, j’ai beau dire que je ne prends pas de poids à cause de la FK, on me dit souvent : « Tu manges, tu manges, tu ne prends pas de poids, t’es tellement chanceuse ! » Oui, je suis chanceuse dans ma malchance, mais moi, j’ai de la misère à prendre du poids…
« Chanceuse dans ta malchance », que veux-tu dire ?
Tamy : J’ai vu des patients de la FK plus atteints que moi qui doivent recevoir du gavage par intraveineuse. Ils se retrouvent encore plus souvent à l'hôpital. Moi, j'ai la chance d'être chez moi, je sors avec mes amis, je vais au resto, je travaille, je vais au cégep et je peux faire du sport, même si je suis restreinte.
Au Québec, il n’y a pas de dépistage néonatal avant 2017. Qu’en pensez-vous ?
Nadia : Le dépistage néonatal est très important. (Nadia poursuit, le regard allumé.) Cela permet de démarrer les traitements le plus tôt possible. Plus on commence les traitements tôt – respiratoires, médicaments –, plus on a une chance d’améliorer l’état de santé. Le Dr Lands, le pneumologue de Tamy, est très impliqué dans ce dossier-là, car c’est une maladie assez répandue au Québec. Beaucoup de gens sont porteurs. Au Lac-Saint-Jean, où je suis née, 1 personne sur 15 est porteuse !
Auriez-vous un message pour les gens qui souhaitent s’impliquer ?
Tamy : Quand vous donnez pour la FK, ça me permet de vivre plus longtemps. L’espérance de vie est maintenant de plus de 53 ans. Ça aide donc à la recherche, c’est de l’espoir pour chaque enfant qui a la FK.
Andy : Je me rappelle qu’un médecin nous avait dit : « Chaque année de recherche équivaut à une année de vie d’un patient atteint de FK. » (Andy conclut, l’air déterminé.) Si chaque année on est capable d’amasser le plus de fonds possible pour trouver de nouvelles façons de traiter cette maladie incurable, au moins on arrive à trouver des solutions pour faire vivre ces gens-là un peu plus longtemps.