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À propos de la parentalité : notes d’une spécialiste de la fertilité

MARCH 30, 2017

Fibrose kystique Canada présentera différentes histoires de personnes fibro-kystiques en regard de la fertilité et de la parentalité. Pour nous faire part de la vôtre, écrivez-nous à tgillespie@cysticfibrosis.ca.

Billet de notre invitée, la Dre Carrie Schram, CCMF, détentrice d’une maîtrise en santé publique
Tout d’abord, je tiens à remercier Megan et un père qui nous ont raconté comment ils sont devenus parents. Pour de nombreuses personnes, la route vers la parentalité est sinueuse et parsemée d’embûches, et c’est le cas de plusieurs personnes atteintes de fibrose kystique. Les témoignages qu’ont partagés Megan et ce père, en toute ouverture et honnêteté, sont précieux pour les lecteurs qui vivent peut-être les mêmes difficultés.

Laissez-moi me présenter. Je suis médecin de famille et j’ai suivi une formation spécialisée en santé des femmes, avec un intérêt marqué pour la médecine de la reproduction. Au cours de mes études de médecine, j’ai entendu parler d’une femme qui avait reçu un diagnostic atypique de FK à un âge tardif. Son histoire m’a intriguée, et en voulant en apprendre plus sur elle, j’ai su qu’elle éprouvait aussi des problèmes de fertilité. Ce cas m’a amenée à vouloir en apprendre plus sur la FK et la fertilité et à mener un petit projet de recherche sur la fertilité des femmes fibro-kystiques. Je suis spécialisée en santé des femmes, et c’est mon champ d’intérêt, alors je m’excuse à l’avance auprès de mes lecteurs masculins : le prochain paragraphe vous concerne, mais ça s’arrête là!

Chez les hommes atteints de FK, c’est bien connu que la fertilité peut représenter un défi de taille étant donné que presque tous les hommes fibro-kystiques sont nés sans canaux déférents. Cela signifie que bien qu’ils produisent des spermatozoïdes, ces derniers sont incapables de sortir des testicules pour composer l’éjaculat. Dans le cas du père atteint de FK qui nous a raconté son histoire dans ce blogue, les options qui s’offraient à lui pour fonder une famille étaient d’extraire des spermatozoïdes de ses testicules pour concevoir par FIV (malheureusement les spermatozoïdes ainsi prélevés ne sont pas aussi efficaces que ceux qui composent l’éjaculat, c’est pourquoi il faut se tourner vers la FIV pour concevoir), ou de recourir à un donneur de sperme ou à l’adoption. Chacune de ces options est associée à des frais, et on encourage les hommes atteints de FK et leur partenaire à bien s’informer pour choisir celle qui leur convient le mieux. Je recommande aux hommes qui veulent en savoir plus sur leur fertilité de consulter une clinique de fertilité ou un urologue, afin de passer des tests et de se renseigner davantage.

Chez les femmes atteintes de FK, la fertilité est un peu plus complexe. Pendant des décennies, les médecins ont dit que la principale barrière à la conception était la consistance de la glaire cervicale. Quelques études de cas ayant porté sur un petit nombre de femmes fibro-kystiques qui ont conçu par insémination intra-utérine (IIU) (technique par laquelle le sperme est nettoyé en clinique de fertilité puis inséré directement dans l’utérus) étayaient cette allégation. Un autre problème rencontré par les femmes est la nécessité d’être en très bonne santé pour concevoir un enfant. Bien que la plupart des femmes fibro-kystiques d’aujourd’hui aient un bon IMC et une bonne fonction pulmonaire, il n’y a pas si longtemps, ces femmes avaient du mal à maintenir un IMC suffisant pour devenir enceintes. On croyait alors que quelques-unes d’entre elles étaient simplement trop malades pour concevoir.

Aujourd’hui, toutefois, il est possible pour une femme fibro-kystique de vivre longtemps en affichant une bonne santé. Je ne dis pas que c’est facile, mais de nombreuses femmes atteintes de FK sont suffisamment en santé pour devenir enceintes et avoir un bébé en santé (ou même deux, comme Megan!). Il faut toutefois savoir qu’il est possible de concevoir par voie naturelle, et que des grossesses non planifiées peuvent très bien survenir. Or pour de nombreuses femmes atteintes de FK, la route est remplie d’obstacles. Nous accordons toujours une place à la glaire cervicale, et chez certaines femmes, le sperme ne peut pas se rendre suffisamment loin pour permettre la conception. Dans ces cas, l’IIU peut permettre de surmonter cette barrière et mener à une grossesse après quelques cycles d’essai. Cette méthode ne fonctionne pas toujours, comme ce fût le cas pour une patiente que j’ai connue pendant mes études de médecine. Pour elle, comme pour de nombreuses autres, le problème semblait être plus sérieux, et il a fallu recourir à la fertilisation in vitro (FIV). La FIV, quand les ovules d’une femme sont prélevés pour être fertilisés en laboratoire par des spermatozoïdes, est une excellente façon de surmonter de nombreux problèmes de reproduction. Cette technique permet d’éviter la glaire cervicale, de prélever le sperme directement dans les testicules ou de surmonter d’autres problèmes liés aux spermatozoïdes (comme une faible numération ou une motilité réduite) et peut être utile quand le problème semble être causé par une faible quantité ou une mauvaise qualité des ovules.

C’est là que mon étude entre en jeu, puisqu’elle portait sur la réserve ovarienne, soit la quantité d’ovules que possèdent les femmes fibro-kystiques. Les résultats ont révélé que les femmes atteintes de FK à la fin de leur vingtaine ont une réserve ovarienne moins grande que les autres femmes du même âge. Cela signifie que quelques femmes fibro-kystiques peuvent ne pas réussir à devenir enceintes en raison d’un problème d’ovules, et que la FIV est donc le meilleur moyen de contourner cet obstacle. En cas d’échec avec la FIV, ce qui arrive parfois, on peut recourir à une donneuse d’ovules ou se tourner vers un autre moyen d’avoir un enfant, comme l’adoption.

Que devraient donc faire les femmes atteintes de FK?

  • Comme votre médecin spécialisé en FK vous l’a sûrement indiqué, maintenez la meilleure santé possible. On ne peut pas toujours éviter les maladies et les infections, mais faites de votre mieux pour contrôler les choses sur lesquelles vous avez un pouvoir.
  • J’ai moi-même eu un bébé à un âge avancé, donc je n’aime pas trop donner ce conseil, mais tentez de devenir enceinte quand vous êtes jeune. La quantité d’ovules est optimale autour de 24 ans, comme l’est la fertilité de la plupart des gens d’ailleurs. Alors le fait d’essayer de concevoir avant 30 ans, surtout pour les femmes fibro-kystique, augmente les chances de réussir, que ce soit naturellement ou avec de l’aide. L’IIU ou la FIV peuvent aider à surmonter certains obstacles, mais pas tous.
  • Si nous n’êtes pas prête à essayer d’avoir un enfant, mais que vous voulez vraiment fonder une famille un jour, envisagez de voir un médecin spécialisé en fertilité pour subir des tests à un jeune âge (autour de 30 ans) pour pouvoir déceler tout problème et envisager des moyens, comme la congélation d’ovules, au besoin. C’est onéreux, mais ça peut faire toute la différence.
  • Si vous tentez de devenir enceinte sans succès, n’attendez pas un an avant de consulter un spécialiste. Je suggère d’essayer pendant de 3 à 6 mois, puis d’entreprendre des démarches pour subir des tests et maximiser réellement vos chances d’avoir un bébé.
  • Soyez ouverte face au recours à une donneuse d’ovules ou à l’adoption. Certaines femmes ont plus de difficulté à envisager ces options, mais je ne connais aucune maman qui regrette d’avoir eu un enfant de ces façons. Vos enfants sont les vôtres, peu importe comment ils se sont rendus à vous, et les aimer est votre principal rôle en tant que mère.