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Anne-Sophie Barrette : comment ne pas garder le sourire?

DECEMBER 10, 2018

Je m’appelle Anne-Sophie, j’ai 26 ans et je suis pâtissière. J’ai deux parents extraordinaires. Les plus aimants, dévoués et généreux qui soient. J’ai une grande sœur de 29 ans également atteinte de FK, greffée depuis 5 ans. Elle a accouché d’une petite fille miracle qu’elle a appelé Lily-Rose il y a bientôt 2 ans. J’ai été diagnostiqué de la FK dès la naissance. Ma sœur aînée étant elle-même atteinte, j’ai passé les tests d’emblée.

Mes premières années de vie se sont passé sans encombre. J’ai eu ma première pneumonie à 6 ans. J’ai été hospitalisé plusieurs semaines. C’est là que j’ai réalisé que j’étais atteinte d’une maladie incurable et fatale. Pendant que mes amis apprenaient leur alphabet, je me battais pour ma vie. Mais J’ai bien remonté la pente et le reste de mon enfance s’est bien déroulé. J’étais première de classe et je faisais beaucoup d’activités parascolaires.

La maladie a commencé à être plus agressive vers l’âge de 14 ans. Mes secondaires 4 et 5, je les ai passé à l’hôpital. À 17 ans, j’ai été inscrite sur la liste d’attente de Transplant Québec car il ne me restait que 2 ans à vivre. Finalement, j’ai été greffé à 19 ans. J’ai eu 4 très belles années pendant lesquelles j’ai suivi mon cours de pâtissière à l’ITHQ, j’ai vécu plein d’expériences amoureuses, j’ai travaillé, je suis partie en appart, je me suis fait tatouer, j’ai sauté en parachute, j’ai voyagé un peu partout dans le monde. Mais fin 2016, la maladie a repris des forces. Après 4 mois d’hospitalisation, le diagnostic est tombé : rejet chronique. Je suis redevenue oxygéno-dépendante. Fin 2017, j’étais admise de nouveau sur la liste d’attente de Transplant Québec pour une 2ème transplantation.

Mon état a détérioré super rapidement. En mai, une infirmière m’a trouvée inconsciente dans mon lit d’hôpital. Je fus immédiatement transférée aux soins intensifs et intubée. Je fus greffée de justesse. La 2ème greffe fut très compliquée. J’ai vécu d’innombrables complications, mais après d’immenses efforts, je réussis à remonter la pente. En septembre, après 5 mois dans mon lit d’hôpital, je pus enfin retourner chez moi. Je vis présentement avec mon amoureux et j’ai même recommencé le travail à temps partiel. Je peux voir ma nièce à toutes les semaines, je fais de l’exercice, et je prends soin de ma meilleure amie atteinte aussi de la FK que j’ai rencontré à l’hôpital quand on était enfants.

Beaucoup de personnes me demandent comment je fais pour garder le sourire malgré toutes les épreuves que je dois traverser et en ayant conscience que mon espérance de vie est de seulement quelques années. La réponse est facile. En sachant à quel point la vie est fragile et en sachant que le fait même d’être en vie soit un miracle, comment ne pas garder le sourire. C’est une chance inouïe que j’aie la possibilité d’écrire ce texte en ce moment. D’ailleurs, je viens d’arrêter d’écrire quelques secondes pour fermer mes yeux et emplir mes poumons d’air.

La question juste serait plutôt : « Comment ne pas sourire alors que je respire librement et que je n’ai plus de tubes qui me sortent du corps? » Comment ne pas sourire alors que je suis chez moi et pas dans un lit d’hôpital? Comment ne pas sourire alors qu’à chaque matin j’ai la possibilité de me réveiller? C’est sûr que j’ai beaucoup de questionnements par rapport à l’avenir. Je me demande quand la maladie va recommencer à faire des siennes. Ça me fait très peur. Je redoute énormément le jour où j’aurai de nouveau besoin de mon tube d’oxygène pour respirer. J’ai peur de manquer d’air. Ça me fait paniquer. Je redoute la mort. Je suis trop attachée à ma vie et à mon monde pour mourir. Je me demande aussi si je pourrai un jour devenir maman. Ce serait mon plus grand rêve. En attendant, j’essaie de vivre chaque jour dans la gratitude, en ayant confiance que tout arrive pour le mieux. Je remercie le ciel chaque jour de ce sursis.

C’est important de donner à FK Canada pour que toutes les personnes atteintes de cette grave maladie puissent réaliser quelques rêves comme moi j’ai eu la chance de faire. C’est important de donner à FK Canada pour qu’on ait la meilleure qualité de vie possible, le plus longtemps possible. C’est important de donner pour qu’une fois pour toutes, on trouve un remède définitif et qu’on puisse enfin enrayer cette maladie.

Merci de votre support et de votre générosité, Anne-Sophie