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Des cliniciens spécialistes de la FK dénoncent les recommandations du gouvernement qui pourraient restreindre l’accès au médicament miracle Trikafta
12 août 2021

FK Canada et deux éminents cliniciens spécialistes de la FK partagent une lettre ouverte adressée à tous les ministres de la Santé et premiers ministres provinciaux, exprimant des inquiétudes au sujet des critères trop restrictifs recommandés pour le remboursement de Trikafta par les régimes publics.


Chers premiers ministres et ministres de la Santé,

Nous vous écrivons au nom de médecins qui se spécialisent dans le traitement de la fibrose kystique et qui mènent des travaux de recherche dans le domaine, notamment des essais cliniques.

La fibrose kystique (FK) est la maladie génétique mortelle la plus répandue chez les enfants et les jeunes adultes canadiens. Il n’existe aucun traitement curatif. La fibrose kystique a divers effets sur l’organisme, mais touche principalement le système digestif et les poumons. Le degré de gravité de la maladie varie d’une personne à l’autre, mais en raison de l’infection chronique dans les poumons, qui occasionne leur destruction et une perte de la fonction pulmonaire, il s’agit d’une maladie mortelle pour la plupart des patients.

Nous vous écrivons aujourd’hui puisque nous croyons que vous avez reçu des conseils à la fois erronés et trompeurs au sujet d’un nouveau traitement contre la FK. Une récente recommandation provisoire de l’Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS), un organisme chargé de conseiller les gouvernements provinciaux au sujet des médicaments qui devraient être couverts par nos régimes publics de soins de santé, suggère que certains patients atteints de fibrose kystique ne devraient pas avoir accès à un nouveau médicament susceptible de changer des vies. Selon des études récentes et des données concrètes, Trikafta est un médicament révolutionnaire qui peut transformer la vie de 90 % des Canadiens atteints de fibrose kystique et réduire considérablement le nombre de décès et d’hospitalisations.
En tant que cliniciens responsables des soins médicaux prodigués aux patients atteints de fibrose kystique et experts dans le traitement de la fibrose kystique, nous croyons que ce médicament devrait être mis à la disposition de tous les patients susceptibles d’en bénéficier. Agir autrement se traduirait par des défis moraux et éthiques réels et importants pour les médecins partout au Canada, entraînerait des conséquences injustes et imprévues pour les patients et laisserait de nombreux patients atteints de fibrose kystique sans accès au traitement nécessaire pour améliorer ou prolonger leur vie.
Nous voulions donc vous fournir l’information et le contexte qui manquent pour plusieurs éléments de la recommandation provisoire de l’ACMTS concernant le seuil d’admissibilité et les exigences relatives à l’accès continu du traitement.

Seuil pour l’admissibilité initiale

Dans sa forme la plus simplifiée, la recommandation provisoire de l’ACMTS suppose que les patients ne sont admissibles à Trikafta que si leur fonction pulmonaire atteint un niveau inférieur à 90 % de la valeur prédite. Pourtant, cette approche pose plusieurs problèmes.

Ce seuil d’admissibilité reposant sur la fonction pulmonaire suppose que l’impact de la fibrose kystique se limite aux poumons. Pourtant, cela est tout simplement faux. La fibrose kystique est une maladie qui touche plusieurs organes et, à ce titre, la fonction pulmonaire n’est pas la seule façon de déterminer la santé pulmonaire ou l’état de santé général des personnes atteintes de fibrose kystique. Restreindre l’admissibilité en évaluant l’impact que sur un seul organe est tout simplement inapproprié sur le plan clinique.

Il y a aussi des preuves indiquant que Trikafta est favorable même pour les patients dont la fonction pulmonaire est supérieure à 90 % de la valeur prédite; ce seuil d’admissibilité est donc arbitraire. De plus, attendre que la fonction pulmonaire d’un patient atteigne un niveau inférieur à 90 % signifie qu’il y aura des lésions pulmonaires souvent irréversibles avant qu’une personne puisse avoir accès au traitement. Ainsi, on ne tient pas compte du fait que le meilleur traitement pour la fibrose kystique consiste à empêcher la maladie de progresser et à améliorer les résultats pour l’état de santé général, y compris les exacerbations pulmonaires, la qualité de vie, le fardeau du traitement et la santé mentale.

Il convient également de noter que ce seuil, qui ne repose sur aucune donnée clinique, est injustement discriminatoire à l’égard des enfants et des adolescents atteints de fibrose kystique, car ils sont beaucoup plus susceptibles d’avoir une fonction pulmonaire dont le niveau est supérieur à 90 %. Ainsi, beaucoup d’adolescents pourraient ne pas pouvoir bénéficier de ce traitement jusqu’à ce que de graves lésions pulmonaires se développent et que leur fonction pulmonaire atteigne un niveau inférieur à 90 %. Refuser aux jeunes patients l’accès à ce traitement est particulièrement problématique étant donné qu’il s’agit d’une période cruciale de développement, notamment physiquement, pour les jeunes atteints de maladies chroniques. Il s’agit également d’une période où il existe un risque élevé d’aggravation de l’état de la fonction pulmonaire, particulièrement chez les jeunes femmes atteintes de fibrose kystique, et de développement d’autres complications importantes, y compris le diabète lié à la fibrose kystique. C’est aussi une période où les jeunes prennent des décisions au sujet de leur avenir (éducation, carrière et relations); des décisions qui sont influencées par la maladie chronique et qui entraîneront des répercussions sur leur vie adulte.

Enfin, l’exigence selon laquelle les patients doivent être stables et ne peuvent pas être hospitalisés ou recevoir un traitement par antibiotique avant de recevoir Trikafta peut être inutilement restrictive pour les patients atteints d’une maladie pulmonaire grave. Bien que cette recommandation provisoire puisse n’entraîner aucune répercussion chez les patients atteints d’une maladie pulmonaire légère ou modérée qui souhaitent recevoir le traitement, certaines personnes atteintes de fibrose kystique dont la maladie pulmonaire est grave peuvent avoir besoin de traitements par antibiotique très fréquents ou être hospitalisées pour des périodes prolongées. Tenter de trouver le moment propice pour commencer la prise de Trikafta peut reporter inutilement le début du traitement, retardant ainsi les avantages cliniques potentiels du médicament, et pourrait même coûter la vie à certains patients. Il est insensé sur le plan clinique et potentiellement contraire à l’éthique d’empêcher ces patients de bénéficier du traitement.

Bienfaits cliniques requis pour maintenir l’admissibilité

La recommandation provisoire de l’ACMTS exige également une évaluation annuelle du patient et une amélioration soutenue de la fonction pulmonaire de 5 % pour pouvoir continuer à recevoir le médicament. Ce seuil d’amélioration clinique de la fonction pulmonaire est arbitraire et n’est pas fondé sur des données cliniques, ni sur une compréhension de la façon dont cette maladie progresse ou évolue au fil du temps. Elle ne tient pas compte non plus d’autres avantages cliniques qui sont aussi importants pour la gestion de la maladie et la qualité de vie des patients atteints de fibrose kystique.

Comme nous l’avons déjà mentionné, la fonction pulmonaire n’est qu’une des mesures de la gravité de la maladie et de la réponse à un traitement. Le seuil proposé d’amélioration de la fonction pulmonaire ne tient pas compte d’autres résultats liés à la fibrose kystique, comme l’exacerbation pulmonaire, qui peuvent avoir un effet plus important sur l’état de santé et la qualité de vie des personnes atteintes de fibrose kystique, ni des données probantes qui confirment que d’autres facteurs, comme le vieillissement, auront une incidence sur la fonction pulmonaire et, par conséquent, sur l’admissibilité.

Pour le moment, il n’y a pas non plus de directives pour les patients dont l’accès au traitement a été retiré pour ne pas avoir maintenu une amélioration de 5 % de la fonction pulmonaire, à savoir s’ils pourraient être reconsidérés pour la reprise du traitement après une nouvelle baisse de la fonction pulmonaire ou de l’état de santé. Nous ne connaissons pas non plus les effets indésirables potentiels de l’interruption du traitement par Trikafta. Cela se traduit par une situation dangereuse où les médecins doivent initier et interrompre le traitement des patients sans comprendre les conséquences à court et à long terme de le faire.

Il convient également de souligner que si nous attendons qu’un patient ait une fonction pulmonaire inférieure à 90 % de la valeur prédite avant de commencer le traitement, plusieurs patients deviendront inadmissibles au médicament après plusieurs années, en raison de complications découlant d’un retard dans le traitement. Ainsi, il est possible que les dommages causés par le report du traitement rendent plus difficiles le maintien d’une amélioration à long terme de 5 % de la fonction pulmonaire (une exigence pour l’accès continu à Trikafta). Le tort causé aux patients par le report du traitement sera aggravé puisqu’il compromettra leurs chances d’y avoir accès à long terme et d’en bénéficier. Le premier tort entraînera le deuxième tort. Il s’agit d’un dilemme moral et éthique pour les médecins qui traitent les patients atteints de fibrose kystique et d’une situation inacceptable pour les patients.
De plus, le stress et l’anxiété associés à chaque visite annuelle de renouvellement seront excessifs, car les patients auront l’impression que leur vie est en jeu. Cela peut entraîner plusieurs crises de santé mentale au sein d’une population où les taux d’anxiété et de dépression sont déjà très élevés, surtout si les patients ne respectent pas le seuil de 5 % en raison de circonstances hors de leur contrôle.

Au-delà des conséquences imprévues de la discrimination à l’égard des jeunes atteints de fibrose kystique (dont il est question ci-dessus) et de l’impact sur la santé mentale des gens, ces recommandations provisoires risquent de mettre les personnes atteintes de fibrose kystique à risque de préjudice important ou d’auto-sabotage pour qu’elles puissent répondre aux critères d’admissibilité et entraîneront une détérioration sur le plan clinique si le traitement est interrompu.

En résumé, bien que nous soyons d’accord avec certaines des conditions proposées par l’ACMTS dans ses recommandations provisoires, nous estimons que plusieurs éléments sont scientifiquement erronés et ont le potentiel de causer des préjudices. Nous vous encourageons à demander l’avis de cliniciens spécialistes de la FK concernant l’admissibilité pour veiller à ce que les patients atteints de fibrose kystique aient un accès juste, efficace et bénéfique à ce médicament qui peut changer des vies.
Cordialement,

Bradley Quon, MD, FRCPC, MSc, MBA
Responsable médical, Réseau Fibrose kystique Canada : études cliniques accélérées inter-régionales (FK ÉCLAIR)
Médecin spécialiste de la FK, clinique de fibrose kystique pour adultes, St. Paul’s Hospital
Professeur agrégé en médecine, University of British Columbia
Boursier de recherche, Michael Smith Foundation for Health Research

Martha L. McKinney, MD MPH FRCPC
Médecin spécialiste de la FK, clinique de fibrose kystique pour enfants d’Edmonton, Stollery Children’s Hospital
Membre du comité exécutif, Réseau Fibrose kystique Canada : études cliniques accélérées inter-régionales (FK ÉCLAIR)
Chargée de cours en formation clinique, département de pédiatrie, University of Alberta


Découvrez d’autres gestes que vous pouvez poser pour aider les personnes FK à avoir accès à Trikafta aujourd’hui


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