Skip To Content

Actualités

LETTRE OUVERTE À M. FRANÇOIS LEGAULT, PREMIER MINISTRE DU QUÉBEC, ET À M. CHRISTIAN DUBÉ, MINISTRE DE LA SANTÉ.
Le 9 septembre 2021

La lettre suivante a été envoyée par Fibrose kystique Canada à Monsieur François Legault, premier ministre du Québec, et à Monsieur Christian Dubé, ministre de la Santé, le mardi 7 septembre 2021

Objet: Recommandation de l’INESSS concernant Trikafta 

Monsieur le premier ministre, 

Nous nous adressons à vous au nom des médecins spécialistes du traitement de la fibrose kystique.   

La fibrose kystique (FK) est une maladie génétique mortelle courante, qui touche plus de 1 200 enfants et jeunes adultes québécois. Il n’existe aucun traitement curatif. La FK a différents effets sur le corps, mais touche principalement l’appareil digestif et les poumons. Le degré de gravité de la maladie varie d’une personne à une autre, mais en raison de la destruction des poumons et du déclin de la fonction pulmonaire, plusieurs patients doivent subir une transplantation pulmonaire à un âge précoce (avant 35ans). La vie des personnes atteintes de FK est écourtée, malgré la transplantation pulmonaire. 

Un médicament transformateur, Trikafta, améliore significativement la fonction de la protéine CFTR qui, lorsqu’elle fait défaut, donne lieu aux manifestations de la FK. L’INESSS a recommandé que l’accès à Trikafta soit limité aux patients dont la fonction pulmonaire est inférieure à 90%. Nous sommes en désaccord complet avec cette opinion et nous tenons à vous expliquer notre raisonnement.  

La maladie pulmonaire FK commence dès la petite enfance. Malgré le dépistage néonatal, un traitement qui n’inclut pas de modulateurs de la CFTR, comme Trikafta, ne modifie pas la progression de la maladie pulmonaire. Les études portant sur Trikafta chez les personnes de 12ans et plus et ayant recours à la spirométrie, une technique insensible aux modifications de la structure pulmonaire, ont révélé des changements de la fonction pulmonaire. Les dommages pulmonaires progressent constamment, mais ne sont décelés par la spirométrie que lorsqu’ils sont plus évolués. Une fonction pulmonaire supérieure à 90% est un indice trompeur de l’absence de dommages aux poumons. Le fait d’attendre que la fonction pulmonaire d’un patient passe sous les 90% implique que des dommages souvent irréversibles à la structure des poumons seront présents avant l’instauration du traitement et ignore le fait que le meilleur traitement contre la FK consiste à empêcher la maladie de progresser et améliorer l’ensemble des résultats de santé, ce qui comprend les exacerbations pulmonaires, la qualité de vie, le fardeau des traitements et la santé mentale. Dans une étude de projection des résultats attendus après l’introduction de Trikafta au Canada, on a montré qu’un vaste accès au médicament aujourd’hui prolongerait l’âge de survie de près d’une décennie.  

Les études chez les personnes de 12ans et plus étaient limitées aux patients dont la fonction pulmonaire était inférieure à 90%; cependant, des études subséquentes réalisées auprès d’enfants de 6 à 11ans ont révélé que les sujets dont la fonction pulmonaire est supérieure à 90% montrent des améliorations significatives, malgré leurs valeurs considérées comme «normales». Limiter l’accès à Trikafta seulement aux personnes dont la fonction pulmonaire est inférieure à 90% représente une discrimination injuste envers les enfants et les adolescents atteints de FK, leur fonction pulmonaire étant plus susceptible d’être au-dessus du seuil de 90%. Ainsi, plusieurs adolescents ne pourraient vraisemblablement pas profiter de ce traitement avant que leurs dommages pulmonaires ne soient assez graves pour les placer sous ce seuil arbitraire de 90%. Nier à ces jeunes l’accès à Trikafta est particulièrement problématique puisqu’ils traversent une période cruciale de leur développement, physiquement et sur d’autres plans, à titre de jeunes personnes souffrant d’une maladie chronique. Il s’agit également d’une période caractérisée par un risque accru de déclin de la fonction pulmonaire, particulièrement chez les jeunes femmes fibrose kystiques, et d’apparition d’autres complications importantes de la fibrose kystique, notamment le diabète associé à la FK. De plus, à cette étape de leur vie, de nombreux jeunes prennent, concernant leur formation scolaire, leur carrière et leurs relations personnelles, des décisions qui sont affectées par leur état de santé et auront des répercussions sur leur vie adulte.  

L’INESSS a été informé par ses conseillers cliniques qu’il y aura des inégalités entre les enfants et les adolescents couverts par la RAMQ et ceux dont le niveau de la maladie est semblable, mais qui bénéficient d’une assurance privée, les assureurs privés acceptant plus facilement que les régimes publics de couvrir ces médicaments. Nous serons donc dans la situation où les patients ayant une assurance privée recevront une couverture nettement meilleure plus tôt au cours du processus pathologique et auront de meilleurs résultats de santé. 

Au nom des médecins responsables des soins médicaux de patients fibro-kystiques, et comme experts du traitement de la FK, nous conseillons que Trikafta soit disponible pour tous les patients qui pourraient en bénéficier. Toute autre démarche donnerait lieu à des défis moraux et éthiques réels importants pour les médecins et aurait des conséquences injustes et involontaires sur les patients FK, dont bon nombre se retrouveront sans le traitement dont ils ont besoin pour améliorer ou prolonger leur vie. 

Veuillez agréer, Monsieur le premier ministre, nos salutations les plus cordiales. 

 

Larry C. Lands, MD, PhD 

Directeur, Clinique FK Pédiatrique, CUSM 

Pneumologue consultant de la Clinique FK de Rouyn-Noranda 

De la part des Directeurs et Directrices des cliniques FK du Québec 

  

Dr. John Wallenburg 

Directeur en chef des activités scientifiques  

Fibrose kystique Canada 


Retour à la liste