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Pleins feux sur la recherche

TOLÉRANCE AUX ANTIBIOTIQUES DE PSEUDOMOMAS AERUGINOSA
COMMENT LES ANTIBIOTIQUES PEUVENT-ILS ÊTRE PLUS EFFICACES DANS LE TRAITEMENT DE L’INFECTION CHRONIQUE PAR PSEUDOMOMAS?

Entretien avec Dre Dao Nguyen
Professeure agrégée de l'Université McGill

Qu'est-ce qui vous a amenée à participer à la recherche sur la fibrose kystique, et qu'aimez-vous particulièrement à propos de votre travail?

J’ai entrepris mon travail de recherche sur la FK dans le cadre de ma formation postdoctorale à Seattle, et je suis devenue fascinée par les questions scientifiques entourant la microbiologie de la FK et très intéressée par la nature collaborative et multidisciplinaire de la recherche dans ce domaine. J’ai été inspirée par l’engagement et la vision des patients et des chercheurs de la communauté FK, et depuis ce temps, j'œuvre dans ce domaine.  

À titre de clinicienne-chercheuse, j’ai le privilège de faire partie du monde de la clinique et de la recherche à la fois, et ces deux volets rendent mon travail très stimulant et significatif, en plus de me tenir bien occupée! En tant que pneumologue, je soigne des patients atteints de maladie pulmonaire, notamment de fibrose kystique, et ma pratique clinique me permet de constater dans la vraie vie les besoins des patients et de leurs proches et les défis qu’ils doivent surmonter. J’aime passer du temps avec mes patients, leur prodiguer des soins et les aider à composer avec des enjeux de santé complexes. Mon travail clinique suscite aussi chez moi de nombreuses questions, et mes travaux de recherche me permettent de répondre à certaines d’entre elles.

Les patients fibro-kystiques sont atteints d’infections pulmonaires toute leur vie, qui aggravent leurs symptômes et font se détériorer leur fonction pulmonaire. C'est ce qui nous pousse, mon équipe et moi, à étudier divers aspects biologiques de Pseudomonas et ses interactions avec l’hôte afin de mieux comprendre les infections pulmonaires dans la FK et de tenter de mettre au point de nouveaux anti-infectieux. Ce que j’aime le plus dans la recherche, c'est de pouvoir résoudre des problèmes, d’apprendre constamment de nouvelles choses, d’utiliser de nouvelles techniques scientifiques, de former la nouvelle génération de chercheurs et de collaborer avec de merveilleux collègues qui partagent ma passion.

Quelles ont été vos dernières découvertes? 

Quoique nous sachions désormais que les infections pulmonaires touchant les patients fibro-kystiques sont complexes, Pseudomonas aeruginosa demeure un défi considérable étant donné qu’il s'agit de l’agent pathogène le plus répandu et qu’il est une cible majeure des antibiotiques utilisés chez les patients fibro-kystiques adultes. Malheureusement, les antibiotiques n’éradiquent pas efficacement cette bactérie une fois l’infection chronique installée, même quand la bactérie n'est pas considérée comme étant « résistante » aux antibiotiques, selon les tests réalisés au laboratoire de microbiologie de l’hôpital.

Nous croyons, à l’instar d’autres chercheurs, que c'est pourquoi les antibiotiques sont beaucoup moins efficaces qu’ils le devraient dans le traitement de l’infection chronique car Pseudomonas agit comme si elle était tolérante aux antibiotiques. C'est ce qu’on appelle l’« indifférence bactérienne », alors que la bactérie résiste aux effets toxiques des antibiotiques (souvent à plusieurs classes d’antibiotiques). Les chercheurs savent depuis longtemps que la bactérie, lorsqu’elle épuise ses nutriments (dans une éprouvette, chez un hôte ou dans un biofilm), ralentit sa croissance et devient hautement tolérante aux antibiotiques. Malgré que l’on ait observé ce phénomène depuis longtemps, nous en savons étonnamment peu sur le mécanisme à la base de la tolérance.

Mon équipe étudie les mécanismes qui permettent à Pseudomonas de tolérer les antibiotiques, et a récemment découvert une nouvelle fonction, soit un système de signalisation (appelé la réponse stringente) et les superoxydes dismutases (une enzyme antioxydante). Nous avons découvert que lorsque Pseudomonas est en situation de stress ou de carence en nutriments, elle s’adapte en modifiant sa membrane cellulaire afin de la rendre moins perméable. Étant donné que la membrane sert de barrière empêchant les médicaments (incluant les antibiotiques) de pénétrer la cellule, nous avons montré qu’après le ralentissement de sa croissance, Pseudomonas devient tolérante aux antibiotiques en altérant la perméabilité de sa membrane cellulaire, et ce changement adaptatif nécessite la fonction de signalisation de la réponse stringente et l’action des superoxydes dismutases

Qu'est-ce que cela signifie pour les personnes atteintes de FK?

Nos découvertes demeurent au stade fondamental, et ne peuvent pas encore servir à la mise au point de traitements pour les patients fibro-kystiques. Toutefois, la compréhension de ces mécanismes de base est essentielle pour le développement de traitements à venir. Nous savons très peu de choses sur les fonctions cellulaires qui jouent un rôle important dans la tolérance et sur comment surmonter cette tolérance, et nous espérons que nos découvertes nous aideront à cibler de nouvelles stratégies pour améliorer l’efficacité de nos antibiotiques actuels.

Quelles sont les prochaines étapes de vos travaux?

Nous voulons mieux définir les mécanismes moléculaires qui rendent les membranes de cellules non en croissance hautement perméables et définir des cibles potentielles de traitements « anti-tolérance ». Nous sommes sur des pistes prometteuses et espérons que cela nous rapprochera de la mise au point de nouveaux anti-infectieux pour les patients atteints de FK.

 

BIOGRAPHIE :

La Dre Dao Nguyen est professeure agrégée à la Faculté de médecine de l'Université McGill, chercheuse à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill et aux Laboratoires Meakins Christie, et chercheuse-clinicienne au service de médecine respiratoire du Centre universitaire de santé McGill. Ses travaux portent surtout sur la microbiologie de la FK, en particulier la microbiologie moléculaire de Pseudomonas aeruginosa, la tolérance aux antibiotiques et les biofilms, ainsi que les interactions hôte-pathogènes dans les infections pulmonaires FK. Elle a reçu une bourse de chercheur de Fibrose kystique Canada, une bourse de clinicien-chercheur des IRSC et une bourse de carrière du Fonds Burroughs Wellcome pour un chercheur médical.