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Pleins feux sur la recherche

Dr Jonathan Dennis Nouvelle approche thérapeutique non explorée pour éliminer des bactéries néfastes
Dr Jonathan Dennis Nouvelle approche thérapeutique non explorée pour éliminer des bactéries néfastes

Le Dr Jonathan Dennis est chercheur et professeur au département des sciences biologiques de la University of Alberta. Il a récemment reçu un financement de Fibrose kystique Canada pour ses travaux intitulés : Phagothérapie contre les infections pulmonaires à Burkholderia dans la FK. Nous nous sommes entretenus avec lui pour en apprendre davantage sur la phagothérapie et Burkholderia cepacia, et parler de la grande importance de ses travaux de recherche pour la communauté FK.  

Qu’est-ce que Burkholderia cepacia et en quoi est-ce une source d’inquiétude pour la communauté FK? 

Les bactéries qui forment le complexe Burkholderia cepacia (CBC) se retrouvent communément dans divers milieux, par exemple dans l’entourage des personnes atteintes de fibrose kystique (FK), et peuvent ainsi les infecter.  

À l’instar d'autres bactéries pathogènes qui infectent les poumons FK, le CBC pose problème car il résiste fortement aux antibiotiques et est capable de s'adapter afin de se multiplier dans les poumons des patients fibro-kystiques. Même s’il est exposé aux antibiotiques, il ne se fait pas complètement éliminer; sa population ne fait que baisser. Cette baisse améliore temporairement l’état clinique du patient et sa respiration. Toutefois, le complexe bactérien peut persister dans les poumons malgré l’exposition à des antibiotiques, ce qui fait qu’il n'est jamais complètement éradiqué.  

Cette présence à long terme fait qu’une infection pulmonaire par le CBC est dite «?chronique?» chez les patients FK. Contrairement à d’autres pathogènes pulmonaires retrouvés en présence de FK, comme Pseudomonas aeruginosa, l’enjeu principal avec le CBC est sa capacité de passer d’un état chronique à une infection aig. Pendant une phase aig d’infection, les bactéries du CBC peuvent pénétrer dans la circulation sanguine, entraînant un état gravissime appelé sepsis bactérien. Cet état est déclenché par une réaction immunitaire exagérée et peut rapidement évoluer en une forme plus grave de la maladie, qu’on appelle parfois le «?syndrome cepacia?».  

Fait à noter, certains patients FK peuvent passer leur vie entière avec une infection chronique au CBC, sans qu’elle n’évolue vers une forme aig, ce qui est prometteur. Toutefois, on ne s'explique pas encore bien les facteurs qui peuvent déclencher la forme aig. Chez les patients porteurs du CBC, on s’inquiète surtout du risque de passage d’une infection chronique à une infection aig, ce qui peut s'avérer mortel.  

Qu'est-ce que la phagothérapie? Et pouvez-vous nous dire comment ce traitement a aidé des personnes atteintes d’infections graves? 

Il s'agit d’une stratégie qui repose sur l’idée que l’ennemi de notre ennemi est notre allié. Dans ce cas, les bactéries du CBC sont nos ennemis, et les virus bactériens (aussi appelés bactériophages, ou simplement «?phages?»), sont les ennemis des bactéries et deviennent nos alliés. Nous utilisons donc ces virus, ou phages, pour attaquer et tuer les bactéries, en remplacement des médicaments ou des composés chimiques classiques. Cela devient une forme de traitement substitutif, faisant partie de ce qu’on appelle souvent la médecine ciblée ou personnalisée. La phagothérapie offre plusieurs avantages uniques. Les phages infectent seulement les bactéries et ne sont pas néfastes pour le patient. Contrairement aux médicaments qui demeurent dans leur forme permanente et inchangée, les virus sont hautement adaptatifs et peuvent évoluer et devenir encore plus efficaces pour tuer les bactéries qu’ils infectent. Cette souplesse pourrait avoir des bienfaits et offrir des possibilités thérapeutiques novatrices.  


Dites-nous comment vos travaux pourraient répondre à l’une des priorités de recherche en santé de la communauté FK, soit d’améliorer la détection et le traitement des infections des voies respiratoires?  

Notre objectif premier est de mettre fin aux infections bactériennes. Nous utilisons Burkholderia comme modèle de phagothérapie, une approche jusqu’ici inexplorée. Si nos efforts portent leurs fruits avec Burkholderia, nous prévoyons élargir le recours à la phagothérapie pour cibler Pseudomonas chez les adultes, et peut-être chez les enfants. Cette méthode substitutive d’éradication des bactéries pourrait être moins éprouvante pour le système immunitaire des patients FK, empêchant la cicatrisation précoce des tissus pulmonaires. Cette amélioration pourrait vraisemblablement améliorer la fonction respiratoire et la qualité de vie en général pour des décennies. L’approche repose sur l’éradication des principales bactéries, ce qui pourrait mener à une amélioration considérable de la fonction respiratoire. Quoique la population bactérienne soit plus élevée chez les personnes fibro-kystiques que chez les personnes en santé, l’élimination sélective des principaux agents pathogènes pourrait permettre à ce groupe de patients d’améliorer grandement leur vie. 

 Quels changements entrevoyez-vous pour les personnes fibro-kystiques au cours des prochains 5 à 10?ans? 

Nous avons été témoins des effets transformateurs de certains médicaments sur la fonction respiratoire car ils dégagent les voies respiratoires, comme les modificateurs de la CFTR. Bien que ces médicaments aient grandement amélioré la vie de certaines personnes, leur coût élevé font qu’ils ne sont pas accessibles à tous. Leur efficacité à long terme est encore en cours d’observation, et l’analyse des données se poursuit. Des incertitudes subsistent concernant leur usage à grande échelle. En outre, ces médicaments ne conviennent pas à toutes les mutations, et des solutions de rechange sont à l’étude. Malgré des échecs rencontrés dans le passé, des succès obtenus récemment par des traitements ciblés sur une population de patients sont encourageants. La phagothérapie est prometteuse pour combattre les principaux agents pathogènes et améliorer la fonction respiratoire. Cette approche gagne du terrain à l’échelle mondiale, et même si des obstacles doivent encore être surmontés, le point de mire demeure l’amélioration de la vie des patients et, au bout du compte, l’éradication de la maladie.  

 Que désirez-vous que la communauté retienne de vos travaux? 

Le message central, c'est l'espoir. Je défends ardemment la phagothérapie, étant donné les succès observés dans des conditions précises. Bien que nos échecs occasionnels demeurent inexpliqués, les nouvelles connaissances acquises à l’échelle moléculaire et sur le plan des interactions médicamenteuses, ainsi que des tendances en matière de dégagement et de réinfection nous inspirent confiance. Nous avons espoir et n'avons aucune raison de croire que cela ne fonctionnera pas. À l’avenir, nous devons recueillir plus de données et apprendre comment les utiliser efficacement. Nous aborderons non seulement les interactions phages-phages, mais aussi les interactions entre les phages, les patients et les associations de médicaments. Nous croyons que cette approche peut réellement améliorer la vie des patients FK.