Dr Xiaojie Luan est un boursier de recherches postdoctorales au département d’anatomie, physiologie et pharmacologie de la University of Saskatchewan. DrLuan a eçu une bourse en 2022 de recherche de Fibrose kystique Canada pour poursuivre son étude intitulée Origins of cystic fibrosis lung disease: miscoordination among ionocytes, secretory cells and airway submucosal glands (origines de la maladie pulmonaire en présence de fibrose kystique: mauvaise coordination entre les ionocytes, les cellules sécrétoires et les glandes sous-muqueuses des voies respiratoires). Accepté pour publication dans la revue The American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine. Lisez ce qui suit pour en savoir plus sur sa contribution à la recherche sur la fibrose kystique.
Que sont les ionocytes? Pourquoi est-il pertinent de se pencher sur les ionocytes des personnes atteintes de FK?
Les ionocytes sont des cellules riches en chlorure présentes dans les branchies des poissons et qui règlent la transition entre les environnements d’eau douce et d’eau salée. L’identification fortuite de ce type de cellule puissante dans le poumon humain en 2018 représente une découverte révolutionnaire. Les ionocytes sont particulièrement pertinents en ce qui concerne la FK en raison de leur expression élevée (plus de 60?%) de la protéine CFTR, la protéine associée à la FK, dans le poumon humain. Avant cette découverte, on croyait que la protéine CFTR était exprimée seulement dans les cellules sécrétoires et autres cellules reliées dans l’épithélium pulmonaire. Cette nouvelle optique de l’expression de la CFTR dans les poumons met en lumière l’importance potentielle des ionocytes dans le contexte de la maladie pulmonaire en présence de fibrose kystique.
Pouvez-vous faire un survol de votre travail?
La première partie de mon projet examinera directement la fonction des ionocytes. L’expression élevée de la protéine CFTR dans ces cellules pourrait être importante pour les personnes fibro-kystiques et pour la découverte de traitements alternatifs pour les personnes qui ne peuvent pas bénéficier des traitements actuels comme Trikafta. Pour explorer ces traitements, nous devons mieux comprendre le fonctionnement des diverses cellules pulmonaires, dans l’espoir de trouver de nouvelles cibles que les médicaments peuvent viser efficacement. Nous nous concentrons sur les ionocytes, qui sont rares (ils représentent moins de 1?% des cellules pulmonaires humaines), mais qui semblent être importants. Les techniques spécialisées de notre laboratoire nous permettent d’examiner des cellules ionocytes uniques et d’observer leur fonctionnement. Ce type de cellules pulmonaires n’a été découvert que récemment; il nous reste donc encore beaucoup à apprendre à leur sujet.
La deuxième partie de mon projet porte sur la connexion entre les glandes sous-muqueuses et les cellules superficielles, en particulier les ionocytes. Les glandes sous-muqueuses sont importantes pour la production dans les voies respiratoires de liquide qui assure l’hydratation des poumons et prévient l’accumulation d’épais mucus et les infections chez les personnes qui ne sont pas atteintes de FK. Nous voulons comprendre comment ces glandes communiquent avec les cellules superficielles comme les ionocytes. Notre objectif est de saisir comment ces deux groupes de cellules collaborent pour assurer la salubrité des voies respiratoires, ce qui nous permettra de voir comment ce processus fait défaut en présence de fibrose kystique.
Dans la troisième partie du projet, j’utilise une technologie synchrotronique, au Centre canadien de rayonnement synchrotron en Saskatchewan, pour étudier le développement de la FK dans les petites voies respiratoires. Les appareils standard de radiographie clinique ne sont pas assez puissants pour permettre une bonne résolution de ces zones (1?à?2?mm). Nous devons donc miser sur les capacités d’imagerie synchrotronique avancées. Cette technique nous permet d’examiner des parties spécifiques des poumons qui sont touchées par la FK, de comparer le comportement de leurs cellules avec celles de parties non affectées et d’identifier les facteurs qui contribuent au développement de la maladie pulmonaire.
Qu’est-ce qui vous a inspiré à faire de la recherche dans le domaine de la fibrose kystique et à réaliser ce projet en particulier?
Pendant mes études de premier cycle, j’ai participé à un projet sur la fibrose kystique avec le Dr?Juan Ianowski, projet qui coïncidait avec l’ouverture du Centre canadien de rayonnement synchrotron. Intrigué par les techniques synchrotroniques, j’ai décidé de faire des études de second cycle au département d’anatomie, physiologie et pharmacologie, sous la supervision conjointe des Drs?Dean Chapman et Juan Ianowski. Mon objectif était d’appliquer le synchrotron à l’étude des maladies humaines. Après avoir participé au Congrès nord-américain de la fibrose kystique, j’ai été fasciné par la convergence de chercheurs autour de cette maladie génétique unique et par la collaboration entre la recherche fondamentale et la recherche clinique, donnant lieu à des découvertes comme celle de l’ivacaftor.
Après mon doctorat, j’ai collaboré avec le Dr Julian Tam, directeur de la clinique de fibrose kystique pour adultes de Saskatoon, afin d’approfondir les aspects cliniques et la perspective des patients sur la recherche. Le contact avec les patients, leurs points de vue, leurs complications et leur volonté de contribuer à l’amélioration de la situation ont éveillé ma passion pour la recherche dans le domaine de la FK. Je m’intéresse également de près aux capacités du synchrotron, ce qui a motivé ma volonté d’obtenir cette bourse de recherche postdoctorale de FK Canada.
Pouvez-vous expliquer l’importance que ce projet aura tant pour le monde de la recherche que pour les personnes qui vivent avec la fibrose kystique?
Deux domaines seront selon moi bénéfiques pour les futurs patients. Comme je l’ai mentionné, les ionocytes sont des cellules connues depuis relativement peu de temps et leur expression élevée de la CFTR pourrait être la cible des prochaines générations de thérapies moléculaires de la fibrose kystique. De plus, étudier et décrire le fonctionnement des ionocytes pourrait être important pour le développement de nouveaux traitements pour les patients fibro-kystiques.
Quels changements entrevoyez-vous au cours des cinq à dix prochaines années pour les personnes atteintes de fibrose kystique?
Je pense Trikafta, que reçoivent actuellement de nombreux patients, est tout à fait extraordinaire, en particulier la grande disponibilité d’un médicament aussi efficace. Cependant, certains patients ne peuvent pas en bénéficier. Je crois qu’au cours des cinq?prochaines années, les études porteront davantage sur les thérapies géniques et moléculaires de la FK et d’autres maladies. Ce domaine de la recherche progresse très rapidement et selon moi, d’ici cinq ans, les personnes qui ne peuvent pas prendre Trikafta auront de nouveaux traitements qui les aideront à lutter contre la fibrose kystique.
Quel est le message principal que vous souhaitez voir la communauté fibro-kystique tirer de vos recherches?
Je crois que l’utilisation des connaissances de base acquises dans le cadre d’études scientifiques peut véritablement aider les patients. Les scientifiques qui effectuent des études fondamentales tentent de comprendre comment fonctionnent les différentes cellules et cette information devient très importante pour la découverte de nouvelles thérapies. Appuyer ce type de recherches représente donc une étape très importante pour la découverte de meilleurs traitements pour les patients.